la première page
Tout du roman était contenu dans la foule de ce jour de mai ou de juin de l’année en cours ou d’une autre année, dans cette ville ouverte aux vents de plaine et aux soleils mordants, une ville devenue ma ville autour de mes vingt ans. Oui tout — absolument tout — contenu dans les déambulations croisées des uns et des autres, les frôlements heurts précipitations impulsions oscillations de la multitude humaine constituée un peu comme une brume dont les lambeaux errants s’agglutineraient ou se déporteraient selon qu’on est d’ici ou d’ailleurs, qu’on est seul ou en groupe, qu’on arrive ou qu’on s’en retourne, qu’on rencontre quelqu’un, qu’on flâne et qu’on bavarde, qu’on photographie les façades des bâtiments et les fontaines, qu’on prenne un verre dans un bistrot ou qu’on file droit à travers le flot des passants parce qu’on est en retard.
ça a commencé comme ça, un personnage s’est annoncé au milieu de cette foule…
et il m’a fallu un petit temps pour le remarquer, lui emboîter le pas, me demander qui il était, d’où il venait, dans quelle chambre il dormait, de quoi il vivait, pourquoi il me touchait comme ça… j’ai enquêté pendant des mois au silence du confinement et dans la brûlure de l’été 2021, j’ai suivi sa piste, il est devenu le personnage de ce livre, il a fini par me confier son parcours et ses blessures et j’ai connu sa famille… il faut du temps pour la rencontre
