récits
édition privée, comité d’entreprise Hôpital Saint-Jean-de-Dieu, 2003

 

« Une aventure s’est proposée, une rencontre avec l’ancien personnel d’un des plus vieux hôpitaux psychiatriques de France. Mon rôle était de susciter les confidences et de les rassembler dans un livre tel un bien précieux.
Si ce projet m’a reconduite au début du XIX° siècle, il m’a aussi donné à connaître des gens simples qui s’étaient dépensés sans compter au service d’autrui. De leurs voix réunies, s’élève une sorte de musique apte à sceller passé et présent, à tresser émotion et légende. »

 

couverture Mémoire entre murs

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« Les Saint-Jean, c’était leur maison sur la terre bien qu’ils n’y fussent pas nés, c’était leur bateau, leur coquille
Les Saint-jean, c’était leur abri, leur territoire, leur référence. Comme un grand corps autour du leur, innocent,brisé le plus souvent, capable de les protéger avec sa nature riante, peut-être les guider au travers de l’existence au rythme du soleil, à mesure des vêlages à la ferme et des nouveaux printemps. »

Parmi l’ancien personnel de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu, certains fouillent leur mémoire et témoignent d’une vie passée entre murs : attachement au lieu, amour pour un métier — né avec eux —, affection pour les patients.
Ainsi l’écriture tente de prolonger la mémoire des hommes et garde trace de l’histoire d’un établissement de santé hors du commun.

 

FRAGMENT

Car rien du haut de notre satanée modernité — se rappeler qu’il a fallu attendre le 27 juin 1990 pour que l’esprit de la loi du 30 juin 1838 se trouve modifié, c’est-à-dire pour que le malade acquière les droits élémentaires suivants : « communiquer avec les autorités publiques, prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix, émettre et recevoir du courrier, consulter le règlement intérieur de l’établissement ou encore se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix » —, oh non, rien ne peut nous permettre aujourd’hui de juger.
Évidemment qui n’a jamais côtoyé la maladie mentale trouvera peut-être le chapitre précédent effrayant car décrivant des situations trop barbares et relatant des faits trop inhumains. Et puis il y a fort à parier qu’à la découverte de ces témoignages, la presse s’emparera du plus choquant : allons donc, des cachots et de la paille pour litière aux Saint-Jean quelques décennies en arrière, qui l’eut imaginé ? et on n’y pourra rien. Pourtant à se rapprocher de ces personnes souffrant de troubles psychiques graves, à les accompagner du mieux possible chacun des jours qui nous filaient entre les doigts, on finissait par apercevoir chez elles quelque chose qui, de près ou de loin, nous ressemblait.
Certains d’entre nous témoignent dans ce sens.
« Jamais je n’ai trouvé les malades franchement différents de nous, d’ailleurs c’est grâce à eux que j’ai commencé à m’examiner personnellement. Pour moi ils ont été un peu comme un miroir. »
Ou encore :
« Personne n’est à l’abri. Nous tous pouvons toucher le fond. »
Et si on a dû réprimer, attacher, enfermer certains de nos pensionnaires, c’était bien dans certaines situations et circonstances extrêmes — parce que privés d’autres moyens d’agir —, mais jamais aucun d’entre eux n’a été molesté ni frappé ni privé de nourriture. Jamais.

L’attachement qu’on éprouvait pour eux, fluide comme mêlé au sang, nous inspirait les meilleurs gestes et nous soufflait mille astuces pour les nourrir, les soigner, rendre notre vie commune plus harmonieuse au sein de nos services. Cet attachement nous traversait le corps et conduisait nos actes. Cet attachement attisait nos instincts, procurait à nos mots la douceur capable de résoudre certains conflits et d’atténuer des drames, surtout d’entretenir avec eux une indispensable confiance.
Une sorte de symbiose, fragile.

(encore 1 ou 2 exemplaires disponibles… auprès de l’auteur)