Depuis le premier jour du confinement, je tente d’approcher et de décrire les émotions qui me traversent : âpreté, tristesse, impression de temps immense, mélancolie, force du souvenir, abandon, envie de voyage…
On peut appeler ça des textes, des chroniques, des fragments, des pensées. Ça va et vient en moi, dans les espaces du corps et du cerveau, et ça parcourt le lieu où je demeure. J’ai écarté la forme trop stricte du journal. Pas d’obligation de faire chaque jour, pas de contrainte. Juste laisser émerger les nœuds et les besoins et les manques.
Cette période singulière souligne l’importance du toucher, l’existence du corps qui ne peut se satisfaire de marcher seul, parler seul, manger seul, du moins tout le temps. La voix au téléphone ne suffit pas, ni les mots posés sur les écrans. La peur s’est insinuée dans les regards, les intervalles entre les chariots de supermarché, les mots des voisins qui passent au large dans le chemin et ne baissent pas la vitre de la voiture pour dire bonjour, du coup on ne voit même pas leurs visages. On parle de gel hydroalcoolique, d’aides d’urgence aux entreprises, du nombre de places en réanimation, de gestes barrières.
Barrière. Voilà, on y est. Une barrière s’est dressée entre les vivants, invisible. Et j’explore à ma façon tous ces bouleversements, les dépose dans mon cahier de bord qui n’a jamais aussi bien porté son nom.
On peut suivre Terrain Fragile ici
Photographie : Au jardin, ©Françoise Renaud, avril 2020
La situation est triste, il y a un vilain mot qui s’est inséré dans notre vie : barrière
Barrière entre les humains, distances de l’un à l’autre, masque de « protection » en guise de barrière, gants pour ne plus se toucher, barrière.
Si le confinement est difficile la barrière est insupportable car tout est inaccessible , impossible de se toucher et c’est pourtant la première chose que nous faisons en venant au monde.
C’est ce qui manque le plus, toucher le dos de ses amis, les embrasser, les prendre les siens dans les bras.
Barrière égal interdit, dur à admettre
Souvenir d’enfance : En allant au jardin la barrière à franchir souvent fermée dans l’attente de la micheline qui me faisait rêver à la ville où je rêvais de prendre des cours de danse… beaucoup de rêves .. comme dans les mots de ton carnet de bord pour casser les barrières et remettre du corps à corps entre les êtres pour danser la vie.
Tout ce que tu dis es très juste… en ces jours, la pensée est toujours présente, les souvenirs affluent, les émotions sont plus fortes lors d’un morceau de musique, la famille, les enfants manquent. Toutes ces ballades solitaires détendent le corps mais pas l’esprit, on est seul…… et si par hasard on croise quelqu’un, on recule, on s’écarte comme un pestiféré.
Malgré tout, il faut y croire à ce déconfinement, mais la route est encore longue, puisons en nos réserves et sourions et croyons que la vie est encore belle…