roman
éditions GabriAndre, 2008

prix Vallée Livres Cévennes 2008

 

« Écrire sur les Cévennes a ranimé des épisodes anciens de ma vie. J’avais vingt ans et j’étudiais la chair de la terre à l’université. J’avais voyagé pour la première fois dans le Sud : rocher nu, végétation épineuse et soleils éprouvants.
La vie de l’homme ressemble à celle de la montagne. L’événement qui arrive ennoie les précédents dans le chaos, mais tout finit par remonter à la surface. »

 

couverture

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icône sonCHRONIQUE DES LIVRES de Djilali Bencheick
pour Radio Orient

« Pour avoir pénétré en d’autres endroits le massif cévenol, je savais qu’au-dessus du village-sentinelle dont le nom résonnait à mes sens comme une musique, règnerait la montagne, entité sombre et silencieuse, parfois grondante en ses entrailles, énigme érigée hors du temps, ravinée, ruinée, hérissée de genêts à balai, de cette espèce qui me bouleverse parce qu’elle me reconduit chaque fois que je la reconnais vers mes landes bretonnes, vers mon point d’origine. »

Confronté au mal de vivre, un homme remonte le cours de son histoire jusqu’à cerner le lieu où tout s’est pétrifié.
Étudiant, il explore les Cévennes et se passionne pour la roche et ses métamorphoses. Engagé comme chercheur à Paris, il connaît l’isolement, l’échec du couple, la difficulté d’être père. Plusieurs missions en Himalaya et la découverte de l’œuvre du peintre Caspar David Friedrich vont réveiller sa soif d’infini et c’est finalement en Cévennes qu’il renouera avec sa vie sensible.

Dans une langue sensuelle et dépouillée, Le voyageur au-dessus de la mer de nuages raconte le rocher, le paysage violent, l’aventure des âmes entre passion et abîmes, entre mensonge et vérité. En filigrane, une rencontre singulière avec une Cévenole à la fois amie et guide, experte en bonheurs minuscules.

En couverture : Le Voyageur au-dessus de la mer de nuages,
huile sur toile de Gaspard David Friedrich, 1817-1818

 

FRAGMENT

Si j’ai pris soin de décrire le corps de Jacob, c’est parce que son âme était de même nature, sauvage et entière. Aussi parce que cet homme compta beaucoup pour nous, plus que nous l’avions imaginé au début du séjour, et par la suite il m’arriva souvent de penser à lui.
Jacob nous proposa l’usage d’une vaste pièce qu’il occupait aux temps mauvais. Il affirmait qu’elle était faite pour nous, que la lumière la remplissait sitôt que le soleil avait dépassé les premières crêtes. En été lui préférait dormir dans des lieux plus ouverts en compagnie du chien et du murmure des forêts — à se demander même s’il dormait. Les vieilles poutres avaient quelque chose de rassurant. De même l’armoire. Quant au vieux lit, il dissipait une odeur de fleur, lavande vanillée de genêt et mêlée de cire d’abeilles. Nous y installâmes nos affaires avec plaisir.
Quand Virginia dormait dans cette chambre, son visage devenait paisible, semblait retrouver la douceur de l’enfance.
Dans la cuisine, on reconnaissait l’odeur tenace du chien près du bûcher.

En vérité Virginia adora la vie qui se déroulait dans la maison de Jacob. Toute simple.
Les Prats, c’était un peu comme une île. Une île au sein de la houle épineuse et dense du maquis, bâtiments et bancels construits à mi pente admirablement entretenus.
Plus haut, les châtaigniers.
Plus haut encore, les sapins noirs. Et dans l’axe du soleil qui brûlait au zénith, le gouffre du ciel.
Aux confins de la vaste plaine, les rivages de la mer Méditerranée.

Certains matins, nous trouvions une miche de pain déposée au milieu de la table. Notre hôte avait réhabilité le four en pierres. Du coup il pétrissait sa pâte et préparait une à deux fournées par semaine. Avant midi, atterrissait quelquefois sur le seuil un panier garni de légumes avec des œufs ou un poisson de rivière troqués contre un débroussaillage ou une coupe de bois. Avec ça, un bouquet de mufliers, une poignée de fruits tavelés.
Sans l’avoir décidé vraiment, nous avions pris l’habitude de nous retrouver le soir. Je rentrais fourbu après avoir exploré failles et torrents, crapahuté de vallées en sommets dénudés, et je les retrouvais tous les deux réunis dans la préparation du repas, épaule contre épaule, gestes accordés à la tâche qu’ils étaient en train de poursuivre.

Aucune ambigüité dans cette proximité, je savais que Jacob veillait sur elle comme un père, comme un ami. Dès le premier jour il avait compris que Virginia était touchée par la maladie. Rien qu’un été devant elle, peut-être un automne, et encore. Comme une vibration prémonitoire. Jacob avait l’instinct de ces bêtes qui sentent venir le séisme longtemps avant les hommes, celui des félins qui s’allongent au pied de ceux qui souffrent et qui n’en ont plus que pour une poignée d’heures avant de chavirer de l’autre côté.
Donc Jacob savait et les choses étaient bien ainsi.

 

juin 2008 – ISBN : 978-2-916923-07-9
224 pages – 16,95 €

tirage épuisé ( l’auteur dispose encore de quelques exemplaires : 12 € + frais de port)