Je m’étais mise en route au lever d’un jour très humide après le passage d’une tempête. Dans la cour il y avait encore du vent et le ciel était bien chargé. Il allait s’éclaircir au fil du voyage vers le nord, vers ce lieu jamais visité. Au fond je ne m’attendais à pas grand-chose, juste aller avec le vent, traverser les terres sans imaginer ce qui pourrait se passer — peut-être là une certaine force qui nous prend à laisser venir ce qui doit.
Glisser sur les routes désertes.
Changer de province. Bientôt de larges forêts et des étangs en attente des derniers oiseaux migrateurs.

J’ai eu le sentiment d’un voyage très long.
Après avoir franchi à pied les hautes grilles, j’ai pénétré la cour d’entrée et fait le tour de la citadelle. Des tulipes aux échancrures élégantes s’épanouissaient dans les parterres. Au détour des murailles, le parc m’est apparu. Dentelle de buis, arbres remarquables, roseraie, nombreux hectares de forêt. Tout de suite j’ai pensé aux animaux qui y vivaient.
Alexis m’a accueillie avec chaleur. Une légère pluie s’est mise à tomber.
Les amateurs de livres n’étant pas au rendez-vous du matin, j’ai choisi de me joindre à Francette pour la visite du château sur le point de démarrer plutôt que de perdre mon temps, une exploration (proposée par Stéphanie, notre guide pétillante) qui s’est révélée pleine d’insolite. Trophées et massacres, animaux empaillés venus d’Égypte dignes d’un musée d’histoire naturelle, portraits à l’huile, tapisseries en fil de soie et d’argent, meubles d’église, salons Empire, objets raffinés… pas forcément ma tasse de thé mais l’ensemble du décor m’a paru à la fois étrange et si impressionnant qu’il allait occuper ma mémoire pour quelques temps. Je ne m’attendais pas à ça. On venait de traverser des espaces de temps considérables, de visiter des lieux longtemps habités par des gens qui conduisaient une vie à part. Les cuisines nous avaient paru presque vivantes, robinets et cuivres bien astiqués. Et puis telle figure témoin, un loup était couché devant la chambre du maître, guettant ceux qui grimpaient le grand escalier. Ce loup, élevé avec les chiens par Mr Luzarche, était devenu compagnon fidèle et il nous fixait toujours de son beau regard ambré.
Il est heureux de se laisser aller à l’instinct, de se risquer à l’aventure qui se propose.
J’ai fini par rejoindre ma table de livres. Une autre surprise m’attendait dans l’après-midi, une rencontre magnifique avec une femme nommée Béatrice accompagnée de ses trois beaux enfants passés par hasard devant moi.
L’heure est vite arrivée de se quitter, on s’est embrassés, on était contents. Après j’ai roulé à rebours dans la lumière du soir, le cœur réjoui et léger.













Photographies, Françoise Renaud, Azay-Le-Ferron (36), 21 avril 2025
Une pointe de jalousie de n’avoir pu visiter château et jardins que je ne savais même pas exister. Je connaissais l’autre Azay, celui du Rideau, mais pas cette petite merveille.
Moi non plus, je ne connaissais pas du tout avant d’y être invitée… c’était tout à fait étrange, insolite, magnifique…
Les visites de château révèlent souvent la sévérité, voire la cruauté de l’histoire. L’édifice laisse parfois des impressions de volumes gaspillés, témoins d’une inégalité de statut entre propriétaires et personnels de garde et d’entretien subalternes. Aujourd’hui, il est difficile de conserver le faste des châteaux visitables qui sont des gouffres financiers. Tu as su par ton texte rendre celui-ci chaleureux et incarné. Tes photos sont belles. Les tableaux de la femme à l’enfant et la jeune fille au sein dénudé me touchent. On y voit le contraste entre l’être et le paraître, sans réconciliation possible malgré le temps écoulé. La vie si fragile d’une maisonnée dont les personnages ont disparu.
C’est l’aspect insolite de cette visite qui m’a remuée, cette étrangeté… aussi l’existence d’espaces cachés (couloirs et escaliers obscurs, cuisines… tout ce qui se tient « à l’arrière ») où circulait le personnel de service, comme un envers du décor qui donne à frissonner. Et puis les objets, les tableaux… Comme tu dis, une vie si fragile.
Merci à toi, Marie-Thérèse, de t’être attardée par ici !
Bel endroit… ça fait envie (à moi confiné dans le Midi)
chouette de te lire, Thierry…
oui sortie de ce confinement, proche désormais de si belles forêts, je respire mieux…
Merci d’avoir fait tout ce chemin pour nous rejoindre.
Amitiés,
Alexis
une drôle de belle expérience… et puis on ne peut pas vivre sans les partages…
merci à toi d’avoir conduit ce projet jusqu’au bout et on recommencera…