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regarder le monde juste à côté

chaussée noire de pluie (5/5)


feuilleton en 5 épisodes illustrés par 5 stations photographiques de Joëlle Colomar

Il faut parfois marcher jusque là, jusqu’à cet endroit qui surplombe les falaises pour découvrir le fond de la mer — très proche, miroitant dans l’ombre de l’eau.
Marcher jusque là pour mesurer sa fatigue.

Madame H. imagine qu’Éva entre au salon, s’assoit près d’elle comme elle l’a toujours fait. Mais non. Impossible. Tout est fini. Bien fini. Elle secoue la tête, refuse de croire l’inspecteur Maigre, venu la voir, qui affirme avoir obtenu des aveux complets — oh bien sûr, sans violence. Il peut lui donner tous les détails si elle veut, mais il comprend que ça la fasse trop souffrir. Donc il ne va pas plus loin, il se tait.
Tous les deux regardent le ciel dans la fenêtre.

Au jardin, les feuilles sont encore mouillées par la pluie violente de la nuit. Bientôt elles tomberont des arbres, tapisseront le chemin qui conduit à la tombe enlisée sous les fleurs. Qu’est-ce que vous voulez faire quand vous êtes vieux, que vous avez perdu d’un coup deux de vos proches, que vous n’avez plus personne à qui parler. Ah si, la voisine. Elle est gentille, elle porte de la soupe à madame H., frappe trois petits coups contre le bois de la porte, toujours à la même heure.
– Ils disent que l’hiver sera froid cette année.
– Mais personne ne peut prévoir la couleur du ciel au-delà d’une semaine ou deux… de toute façon ça m’est égal.
– Vous avez raison, on verra ce qu’on verra.

Madame H. aurait aimé avoir une fille. Parce que les filles sont de la même nature que les mères.
Parfois lui vient l’envie de se rendre dans ce bar qu’Éva fréquentait.
Il y a des noms désormais qu’elle ne peut plus prononcer, des choses qu’elle ne peut plus regarder à la télévision. Souvent elle regarde le jardin comme elle regarderait le fond de la mer.

Texte : FR ©, décembre 2010
Photographie : À la dérive, de Joëlle Colomar

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7 Commentaires

  1. françoise renaud 14 décembre 2010 — Auteur d'un article

    de la part de Denyse…

    que nous réserve l’épilogue après les rebondissements des épisodes précédents ?
    j’aime votre façon de laisser deviner les situations,les sentiments, sans jamais insister..
    toujours un grand plaisir à travers vos textes
    et les photos de Joëlle sont sublimes
    merci à vous deux
    amitiés

    une lectrice fidèle et peut-être inconditionnelle !
    Denyse

  2. zeugma 14 décembre 2010

    Donc ce n’est pas madame H qui est derrière cet « accident ». Dommage, une belle mère en prison m’aurait assez amusé. Qui donc a avoué cet affreux forfait ? Dans l’épilogue ?

  3. roger marie jeanne 14 décembre 2010

    alex a donc poussé eva je ne sais plus je donne ma langue au chat bisous francoise pauvres madame H

  4. françoise renaud 14 décembre 2010 — Auteur d'un article

    Je sens comme un certain désappointement…
    mais chacun est libre de tirer sa propre conclusion avec les éléments qu’il a retenus et qui l’ont frappé…
    L’épilogue se chargera toutefois de tirer définitivement les choses au clair !
    f

  5. roger marie jeanne 14 décembre 2010

    COMMENT FAIS-TU POUR DEVINER MA FATIGUE ACTUELLE ? J’ai hâte de connaitre l’épilogue, il n’y a peut-être qu’un manque profond d’amour…

  6. françoise Toursel 16 décembre 2010

    alors ce serait Alex? Après ce 5ème épisode,tout porte à y croire… mais justement, n’est-ce pas à cette déduction que veut nous mener l’auteur alors que la vérité est ailleurs ???
    Ayant la prétention (!) de connaître un peu Françoise, j’ai comme l’impression que ce sera autre chose… des aveux de la victime elle-même ? qui a volontairement choisi de laisser filer sa vie comme la branche dans le courant de l’eau…
    Magnifique photo d’ailleurs, cette dernière !! je suis comme Françoise, je serais fière de savoir faire d’aussi belles photos.

  7. denise miège 16 décembre 2010

    le mari ? Mme H. ? un des amants innocentés par l’Inspecteur ?
    j’erre; je n’avais pas pensé à un suicide, Françoise est une subtile meneuse …

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